Le développement de l’industrie du plâtre au XIXème siècle est une véritable révolution industrielle. Le rapport du Préfet de Seine-&-Oise pour 1841 signale le développement de l’extraction de la pierre à plâtre par suite des travaux de fortifications de Paris et l’ouverture des nouveaux chemins de fer. L’urbanisation des villages entourant Paris, due à l’augmentation de leur population et aboutissant à leur annexion en 1860, crée un grand besoin de logement, d’ou une demande accrue de matériaux de construction, dont le plâtre. La mise en service du pont d’Argenteuil en 1832, la création de la nouvelle route dite route royale N° 14 bis, entre Argenteuil et la route royale N° 14 (RN 14), se prolongeant en direction d’Eaubonne et Montlignon, permettra la création des grandes entreprises. Dès son ouverture, comme nous l’avons dit plus haut, Tartarin demande l’autorisation d’y transférer ses fours, et Etienne Bast, d’en y établir de nouveaux. Parallèlement, sur la route départementale 48 (Av. d’Enghien), Dubus en construit en 1836 de même que Touzelin. L’extension des carrières va aussi transformer les voiries communales. Les empierrements se révélant insuffisants pour le maintien des voies défoncées par les lourds charrois, les rues qui conduisent aux exploitations seront pavées, le plus souvent aux frais des exploitants, aux environs de 1836 à 1838. Vers 1861 une autre usine sera installée à Vaucelle, près des bords de Seine, permettant le chargement direct sur bateaux ; elle était reliée aux carrières par un tunnel. Mais la principale raison du développement sera la création des lignes de chemin de fer ; ainsi Gillet, dès l’ouverture de la ligne de Sannois, installe un magasin dans la gare.
Parmi les modernisations du XIXème siècle, la recherche d’un nouveau combustible est courante. Nous avons évoqué le coke en 1838, plus tard on utilisera la houille, mais le bois continuera à être employé, chacun ayant des avantages et des inconvénients. Avec le charbon minéral la cuisson dure environ 36 heures, avec le bois qui donne une flamme plus longue seulement 18 heures, ceci d’après l’inspecteur du service des mines après sa visite dans nos plâtrières en 1883.
Ces nouveaux industriels, outre la construction de fours à plâtre fixes et couverts, vont modifier le conditionnement de la poudre. Jusqu’ici la pierre cuite était soumise au battage, désormais on parlera de la moudre. Cette mouture sera réalisée par des manèges à chevaux entraînants des meules. Autre innovation, le transport depuis les carrières jusqu’aux fours, lorsque ceux-ci sont installés côte à côte, par des chemins de fer. Ce sont des voies ferrées légères à voie étroite parcourus par des wagonnets tirés par des chevaux (inventaire 1845), ce qui sera repris dans le système Decauville.
A la même époque, l’installation de machines à vapeur permettra de manoeuvrer les meules sans l’utilisation des chevaux. 1838 en est la première date connue ; M.Desaché et Cie ayant une carrière en Balmont demande l’autorisation d’en installer une ainsi que de faire cuire le plâtre au coke. En 1856, Jacques Nicolas Chevalier en installe une, construite par Gilmer, rue St Maur, Popincourt, à Paris. Cette première machine sera remplacée par une autre, en 1862, provenant de l’usine Joly. L’entreprise Guyot-Persin, auquel Alleaume succède la même année, demande l’autorisation d’en installer une en 1863, Etienne Bast en 1864.
Ces machines, dont nous connaissons l’existence par les archives du Service des Mines chargé de leur surveillance, étaient établies dans des locaux maçonnés. Elles comportaient une chaudière et un foyer dont l’évacuation des fumées se faisait à l’aide d’une grande cheminée d’abord en tôle puis construite en briques pleines. A côté se trouvait l’appareil moteur composé d’un piston, d’une bielle et d’un grand volant servant à transmettre le mouvement. Assez volumineuses, leur puissance nous paraît assez faible : 8 puis 15 chevaux ; néanmoins elles représentaient une avancée technologique considérable.
Une des entreprises les plus importantes fut la Société des Plâtrières de Paris installée en Volembert. Elle fut raccordée à la ligne de chemin de fer en 1883. La tranchée ainsi ouverte fut l’occasion de découvertes géologiques relatées dans la Nature datée du 21 juillet sous le titre: L’Ossuaire d’Argenteuil ; dans des poches furent trouvés des os de rhinocéros, hyène, cheval, bison, renne... Cette société deviendra la Société des Plâtrières Réunies du Bassin de Paris exploitant les carrières de Volembert, des Cloviers, de Vaucelles et de Champ Guérin. Les petites carrières Berteaux, Moret, Boisbatte seront reprises par Prudhon, puis Glay, sur la rue d’Enghien.
Fin XIXème siècle et première moitié du XXème, ces carrières prennent une telle extension que les exploitants attaquent ce que les anciens appelaient la Montagne. De ce fait la découverte des bancs de gypse devient de plus en plus onéreuse, mais une partie de ces «déchets» se révèle utilisable. En effet, les couches de calcaire et de marnes mélangés servent de plus en plus à la fabrication de la chaux et du ciment et certaines couches de glaises utilisées pour la fabrication des produits céramiques. Ces autres matières furent sous-traitées, tels Froidure-Harmant entreprenant la découverte des carrière des Cloviers, de Volambert, de l’Union, de Birckel, de Magot... ou Rougeault enlevant les glaises pour la fabrication des tuiles et briques.
Outre la Société des Plâtrières citée plus haut, plusieurs entreprises cuisant du plâtre sont installées en 1911 le long de notre Route qui conduit de la gare de Sannois à Argenteuil : Dian et Magot, Birckel, Perdrieux sur Sannois, racheté par la S.A. L’Union Industrielle et repris par Manuel à Argenteuil ; progressivement elles aussi seront absorbées par les Plâtrières réunies du Bassin de Paris, qui après avoir sous-traité à Nithart, seront reprises par la Société Poliet et Chausson à partir de 1920.
La Société Rougeault qui exploite une briqueterie, parallèlement à la découverte de certaines carrières, en ouvre une pour son compte à Sannois au lieu-dit les Conches en 1901. Elle atteint rapidement la masse de plâtre qu’elle cède aux fabricants de plâtre. En 1911, ils projettent de l’exploiter eux-mêmes. Une demande d’autorisation est déposée pour créer une usine sur le Boulevard Gambetta au bas de la carrière. L’enquête soulève, de la part des habitants du quartier une véritable levée de boucliers. La question de l’environnement est évoqué, bien avant notre époque, mais en fait celle-ci est un paravent, car le véritable souci des habitants est la crainte de voir les ouvriers étrangers et les vagabonds s’installer autour des fours. La société n’abandonnera pas son projet puisqu’en 1919, elle obtiendra l’autorisation de créer des fours sur la route d’Argenteuil, à côté de la briqueterie. L’ensemble des deux productions sera repris par la Société Poliet et Chausson en 1938, mais l’exploitation ne reprendra pas.
L’exploitation des carrières au plus près des limites, alors que la hauteur des bancs exploités augmentait, provoquait des éboulements qui, dans certains cas, affectaient les propriétés voisines sur de grandes surfaces, autre source de procès. La ville de Sannois fit arrêter l’exploitation des carrières des Cloviers par crainte de voir le cimetière communal descendre dans le fond de cet immense trou. La Société Poliet et Chausson, côté Orgemont, mettra un point final aux différends avec des propriétaires de terrains pour des parcelles tombées avant 1940 par des transactions sous forme d’échange en 1962.